Crédits carbone : une nouvelle tendance pour les fonds?
Par l’équipe d’analyse de Fundata
31 août 2021
Les gestionnaires de placements Partenaires Ninepoint LP ont récemment lancé le FNB Ninepoint Bitcoin (TSX: BITC) avec une compensation carbone à 100 %. Le Crypto Carbon Rating Institute estime l’empreinte carbone générée par l’exploitation minière des bitcoins détenus par le fonds; Ninepoint utilise ensuite une partie des frais de gestion du fonds pour acheter des crédits carbone provenant de Zerofootprint afin de compenser le carbone produit par les bitcoins détenus par le fonds. La compensation carbone est une stratégie unique pour les fonds d’investissement canadiens, mais nous pouvons espérer qu’elle se répandra. Cela pourrait être le cas.
Selon le gouvernement du Canada, les émissions canadiennes de CO2 étaient de 730 mégatonnes en 2019, ce qui représente une hausse par rapport aux 600 mégatonnes que nous avons produites en 1990, mais une baisse par rapport au pic de 752 mégatonnes en 2007. Au cours des 10 dernières années, nous avons régulièrement produit entre 700 et 730 mégatonnes par an. Le Canada se classe généralement parmi les 10 premiers émetteurs de CO2 au monde d’une année sur l’autre et est le plus grand émetteur par habitant du G20.
La réduction du carbone est essentielle, comme l’a souligné l’ONU en déclarant une « alerte rouge pour l’humanité » dans un rapport publié le 9 août, en raison de l’augmentation des températures mondiales. Le rapport indique une responsabilité humaine « sans équivoque » du réchauffement climatique et que « pour limiter le réchauffement climatique d’origine humaine à un niveau spécifique, il faut limiter les émissions cumulées de CO2, pour atteindre au moins des émissions nettes de CO2 nulles ». Indépendamment de ce que nous faisons maintenant, le monde continuera à se réchauffer au cours des 30 prochaines années, ce qui entraînera des phénomènes météorologiques plus fréquents et extrêmes : vagues de chaleur et sécheresses, pluies intenses entraînant des inondations, tempêtes tropicales et réduction de la glace de mer.
Le monde doit parvenir à des émissions nettes nulles le plus rapidement possible. La meilleure façon d’y parvenir est de réduire les émissions, mais la réalité est qu’il est extrêmement difficile pour certaines entreprises d’y parvenir rapidement tout en continuant à maintenir un niveau d’emploi et à produire les biens et les services dont les gens ont besoin. C’est là que les compensations de carbone constituent une bonne solution à court terme. Les compensations carbone, également appelées crédits carbone, permettent aux émetteurs de carbone de réduire leur empreinte carbone en empêchant les gaz à effet de serre d’entrer dans l’atmosphère ou en les éliminant. Les émetteurs de carbone comprennent ceux qui ont une petite empreinte carbone, comme vous et moi, ou une grande empreinte carbone comme une société pétrolière et gazière.
En achetant des compensations carbone, vous contribuez essentiellement à un projet qui réduit les émissions de CO2 ou élimine le CO2 de l’air. Par exemple, si un propriétaire foncier possède une propriété fortement boisée, il peut accepter de ne jamais permettre la récolte des arbres. Il recevra alors un crédit qu’il pourra vendre à un producteur de carbone, généralement par l’intermédiaire d’un détaillant. N’importe qui peut acheter des crédits de carbone auprès d’entreprises comme Cool Effect, terrapass ou Atmosfair, vendus à la tonne, et ils sont devenus très populaires dans les juridictions qui ont un système de plafonnement et d’échange.
Le TSVCM (Taskforce on Scaling the Voluntary Carbon Market), groupe de travail sur la mise à l’échelle des marchés volontaires du carbone mis en place par Mark Carney et Bill Winters, montre que la valeur des compensations vendues en 2010 était de 7 millions de dollars, et qu’en 2020, elle atteindra 95 millions de dollars. Une croissance extrême est attendue puisque, selon les estimations, le marché de la compensation carbone pourrait valoir entre 50 et 100 milliards de dollars au cours des dix prochaines années.
Le prix d’un crédit carbone est susceptible de changer considérablement dans les années à venir, mais le prix actuel d’une tonne de crédits compensatoires est de 9,91 dollars pour Cool Effect et de 11,02 dollars pour terrapass. Ainsi, même si le marché atteignait 100 milliards de dollars d’ici à 2030, nous ne compenserions toujours qu’environ 10 milliards de tonnes de carbone (en supposant un prix de 10 dollars la tonne). Selon Our World in Data, le monde a émis 36,4 milliards de tonnes en 2019, ce qui signifie qu’en 2030, nous ne compenserons peut-être que moins d’un tiers des émissions.
Cela souligne que la seule véritable solution est la réduction des émissions. L’un des inconvénients des compensations carbone est qu’elles permettent aux producteurs de carbone de continuer à émettre du CO2, et si nous continuons à émettre au rythme actuel, il pourrait être impossible pour les compensations de rattraper leur retard. Un acheteur de compensations de carbone pourrait être considéré comme une brute dans une cafétéria d’école qui vole l’argent du déjeuner d’un enfant et le donne à un autre qui en a besoin. L’intimidateur continue de faire du tort, même s’il essaie de le compenser, et donner l’argent à l’enfant dans le besoin est le moins qu’il puisse faire.
Espérons que les sociétés de fonds canadiennes suivent l’exemple de Ninepoint et commencent à compenser leur empreinte carbone. C’est le moins qu’elles puissent faire.