La nouvelle méthodologie du risque de l’ACVM pourrait diminuer les cotes de risque pour de nombreux fonds
par Brian Bridger, CFA, FRM
La nouvelle méthodologie de l’ACVM pour calculer les cotes de risque pour les fonds communs de placement et les fonds négociés en bourse (FNB) avait pour but de standardiser l'évaluation du risque dans l'ensemble de l'industrie. Ma
recherche précédente indiquait que 28 % des fonds avec au moins 10 ans d'historique avaient une cote de risque projetée différente de leur cote de risque actuelle. Même si ce résultat était quelque peu attendu, la plus grande surprise était qu'il y avait plus de fonds qui pourraient potentiellement abaisser leur cote de risque selon la nouvelle méthodologie que de fonds qui seraient obligés de l'augmenter.
Dans le cadre de mes recherches antérieures, j'ai émis l'hypothèse que les cotes de risque pourraient diminuer encore plus au cours des prochaines années alors que la volatilité subie au cours de la crise financière de 2008 commence à ne pas être incluse dans le calcul de l'écart type (ÉT) sur 10 ans. Je voulais approfondir davantage cette idée et examiner la façon dont l’ÉT sur 10 ans changera, et comment cela pourrait affecter les cotes de risque en vertu de la nouvelle méthodologie de l'ACVM.
Nous commencerons par examiner les chiffres historiques de la volatilité. Le graphique ci-dessous montre la moyenne de l’ÉT sur 1 an et sur 10 ans remontant à 30 ans. L'univers inclut seulement des fonds avec un historique de 10 ans et exclut les fonds du marché monétaire ainsi que les FNB de la catégorie Gestion passive à rendement inverse/levier financier.
La première chose à constater est que l’ÉT sur 10 ans est beaucoup plus stable que l’ÉT sur 1 an. En dépit de ce fait, vous pouvez clairement voir l'effet que les périodes de volatilité extrême ont sur l’ÉT sur 10 ans. Cet effet peut être constaté à la fois au début d'une période volatile ainsi que 10 ans après la fin de la période volatile. Par exemple, en octobre 1987, l’ÉT sur 10 ans a bondi en passant de
12,8 % à 13,9 % en un mois seulement. Cela était dû au krach du marché le
« lundi noir » du 19 octobre 1987, lorsque les marchés boursiers ont chuté de plus de 20 % en une journée et que les fonds ont perdu une moyenne de 13,2 % pour le mois. Ce rendement extrême d'un mois peut être visualisé au bas du graphique et il est responsable de l'augmentation totale de 1,1 point dans l’ÉT sur 10 ans. L'effet inverse peut être vu de l'autre côté du calcul. Dix ans plus tard, lorsque ce mois est retiré du calcul, l’ÉT sur 10 ans chute en passant de 11,1 % à 9,9 %.
Quelques années après cela, en août 1998, la crise de la dette russe a causé une perte moyenne de 12 % pour les fonds en un mois et un bond de 9,9 % à 10,6 % de l’ÉT sur 10 ans. Ensuite, en août 2008, un mois avant que la crise du crédit ne se traduise par une perte moyenne de 10 % pour les fonds pendant deux mois consécutifs, les effets de la crise de la dette russe s'excluent du calcul, et l’ÉT sur 10 ans a baissé en passant de 13 % à 12,3 %. La chute aura été de courte durée puisque le chiffre a augmenté à 13,1 % en novembre 2008 puis à 13,5 % en août 2009, son plus haut niveau en plus de 20 ans.
Ce qui nous amène à aujourd'hui. L’ÉT sur 10 ans a été régulièrement en baisse au cours des huit dernières années et se situe actuellement à 11,5 %. En regardant le graphique, vous pouvez voir que l’ÉT sur 1 an n'a pas dépassé la valeur de 10 ans depuis le début de l’année 2010. Une fois que la volatilité que nous avons expérimentée au cours de la crise financière tombe en dehors du calcul, en supposant que nous n'expérimentons pas un autre pic dans la volatilité (j'y reviendrai un peu plus loin), l’ÉT sur 10 ans diminuera rapidement. Ceci détient le potentiel de modifier sensiblement les cotes de risque qui utiliseront la nouvelle méthodologie de l’ACVM à partir de cette année.
Projetons alors l’ÉT sur 10 ans sur les deux prochaines années. Si nous supposons que la volatilité sur les deux prochaines années reflète la volatilité moyenne que nous avons expérimentée au cours des huit dernières années, nous pouvons utiliser les valeurs d’ÉT sur 8 et 9 ans comme une approximation pour les figures prévisionnelles d’ÉT sur 10 ans. À l'aide de cette hypothèse, le tableau ci-dessous montre les valeurs prévisionnelles d’ÉT sur 10 ans au cours des deux prochaines années.
La première chose que vous remarquerez est que le chiffre projeté pour janvier 2018 est légèrement plus élevé que l’ÉT actuel sur 10 ans. Néanmoins, ceci n'est pas vraiment si étonnant quand on regarde le graphique historique parce que la période de volatilité extrêmement faible menant à la crise de crédit de 2008 est exclue du calcul.
Le changement qui est projeté sur l'année suivante est bien plus impressionnant. L’ÉT sur 10 ans projeté sur janvier 2019 est 10,5 %, presque deux points de pourcentage au-dessous de la valeur projetée pour janvier 2018. Fait intéressant, ce changement complet interviendra au cours des cinq derniers mois de la période, avec les plus fortes baisses survenant en septembre et octobre 2018 quand les mois de septembre et octobre 2008 sont exclus du calcul. Le graphique ci-dessous montre l'ÉT sur 10 ans prévisionnel pour les deux prochaines années.
Supposer que la volatilité demeurera stable pour les deux prochaines années peut sembler improbable pour certains observateurs. Mais même si ce scénario se réalisait, la moyenne de l’ÉT sur 10 ans serait encore au-dessus de son point le plus bas au cours des 20 dernières années qui a été fixé en juillet 1998 à 9,9 %. Bien que ce scénario puisse sembler peu susceptible de se matérialiser, il ne serait pas sans précédent sur la base des tendances historiques, c’est pourquoi nous ne pouvons complètement en écarter la possibilité.
Examinons maintenant comment ces changements pourraient altérer les cotes de risque dans le cadre de la nouvelle méthodologie de l’ACVM qui utilise des marges fixes d’ÉT pour assigner des cotes de risque.
En supposant que les valeurs prévues d’ÉT se réalisent, le pourcentage de fonds qui pourrait potentiellement changer de catégorie ne différera pas significativement au cours de l'année suivante comparativement à mon analyse précédente. Au 31 janvier 2019, cependant, le pourcentage total de fonds qui pourrait potentiellement changer de catégorie augmenterait à 49 %, avec un étonnant 97 % de ces derniers – ou plus de 700 fonds – qui descendraient potentiellement d’au moins une tranche de risque. Et si nous extrapolons sur l'univers entier des fonds, ce nombre pourrait aisément doubler.
Il convient également de mettre en relief que les deux derniers krachs majeurs du marché ont été précédés par des périodes de volatilité extrêmement faible. Dans les deux cas, l’ÉT sur 10 ans avait chuté significativement ce qui avait déclenché l'événement. Qu’il s’agisse juste d’une coïncidence fondée sur le laps de temps limité de cette analyse ou que cela mette en évidence un désavantage de mesurer le risque en utilisant l’ÉT avec des tranches de risque fixes, nous ne devrions pas négliger la possibilité que les cotes de risque pourraient être potentiellement en baisse au moment où le risque de débâcle est à son sommet.
Brian Bridger, CFA, FRM, est vice-président des opérations analytiques et des données à Fundata Canada Inc. Cet article ne vise pas à vous fournir des conseils de placement personnalisés. Les investissements mentionnés ne sont pas garantis, ils impliquent des risques de perte et sont sujets à des commissions.